Gertrude et le Nouveau Monde - T08 by Anne-Marie Desplat-Duc

Gertrude et le Nouveau Monde - T08 by Anne-Marie Desplat-Duc

Auteur:Anne-Marie Desplat-Duc [Desplat-Duc, Anne-Marie]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Historique, Jeunesse
Éditeur: Flammarion
Publié: 2009-01-04T23:00:00+00:00


Tous les dimanches, Léon et moi allions à Neuville. Moi pour assister à la messe, et Léon pour étancher sa soif à la taverne.

J’attendais ce moment avec impatience et appréhension aussi.

Je n’avais pas vraiment noué de liens d’amitié avec les femmes du village. Notre tenure était la plus isolée et j’avais l’impression que toutes les autres se recevaient à tour de rôle au cours de la semaine. Certaines entraient dans le lieu saint en bavardant et en poussant leur progéniture vêtue de frais devant elles.

Les hommes accompagnaient leur épouse et, à part quelques veuves âgées, j’étais une des rares à être seule.

Le prêtre m’avait présentée à deux dames. Elles m’avaient saluée poliment, mais après avoir échangé trois mots, elles avaient rejoint leur mari qui les attendait plus loin, ou une amie, ou bien s’étaient excusées de ne pouvoir bavarder parce qu’une affaire urgente les appelait.

Il me parut que j’avais tout de la pestiférée et j’en compris rapidement le motif.

En fait, tandis que je priais à l’église, Léon buvait plus que de raison à la taverne. Une fois sur deux, il en sortait saoul, beuglant des insultes. Je n’étais donc pas une personne fréquentable. Certes, il n’était pas le seul homme à être dans cet état, mais dans ce village reculé, j’étais probablement la seule fille « à la cassette{30} », c’est-à-dire une fille de rien envoyée par le roi autant pour purger la France de ses mauvais sujets que pour peupler le Nouveau Monde.

Un dimanche pourtant, alors que j’attendais une fois encore Léon sur le perron de l’église, une jeune femme s’approcha de moi. Elle était très brune, avait un teint hâlé, portait une jupe de peau et des mocassins aux pieds.

— Bonjour, me dit-elle d’une voix chantante, je m’appelle Margot, et toi ?

— Gertrude.

— Tu attends ton mari qui est à la taverne ? Le mien aussi. Je suis du peuple huron de par-delà les collines. Et toi ?

Son tutoiement m’étonna mais ne me choqua point, car je sentis qu’il n’était pas dû à un manque de respect ou de politesse. Simplement nos cultures étaient différentes et dans la sienne le tutoiement devait être l’usage. Et puis, j’étais si heureuse de rencontrer quelqu’un de mon âge que je lui répondis avec entrain :

— Je viens d’un pensionnat de demoiselles à côté de Versailles.

— Versailles ! s’exclama-t-elle, là où vit votre roi ?

— Oui.

— Il paraît qu’il habite un palais merveilleux avec des portes en or, des miroirs partout, et qu’il s’éclaire avec des milliers de chandelles !

— En effet.

Elle rit et poursuivit :

— Moi, j’ai vécu avec mon clan, le clan de l’Ours, dans notre grande case en rondins de bois jusqu’à mon mariage, il y a douze lunes !

Sa voix était joyeuse et nullement assombrie par le regret, aussi lui demandai-je :

— Votre mari est indien ?

— Non. C’est un soldat blanc. Un officier. Mon père m’a donnée à lui pour le remercier d’avoir sauvé notre village de l’attaque des Iroquois, nos ennemis. C’est le chamane qui le lui a commandé.



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